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LETTRES DE L'ABBÉ PHILIPPE CHÉNARD

    Voici quatre lettres écrites par monsieur l'abbé Philippe Chénard, premier desservant de la Mission du Canton Chabot, dévoilant bien plusieurs difficultés qu'il a rencontrées au cours des premiers temps de la colonie.

[ Première lettre, adressée à l'Archevêché de Québec, datée du 17 août 1922,

à l'intention de l'Archevêque P.E. Roy ; texte intégral. ]

    « Monseigneur, Vu l'obligation où je suis de m'occuper de toutes sortes de travaux matériels dans la Mission qui m'est confiée, je vous prie respectueusement de m'exempter de la retraite annuelle pour cette année.  C'est un sacrifice de plus que je fais là, j'espère qu'il sera agréable au Bon Dieu.

    « J'ai obtenu, ce matin, du sous-secrétaire provincial, une somme d'argent assez notable pour me permettre de construire une chapelle-école que je commencerai à bâtir dans la dernière semaine d'août.  Actuellement, je surveille la construction des chemins, j'engage des ouvriers pour les bâtisses et m'occupe de trouver le bois nécessaire.

    « C'est une rude tâche.  Monseigneur, auriez-vous la bonté de m'envoyer l'autorisation nécessaire pour emprunter une somme de trois mille piastres pour la construction des dépendances du presbytère et le solage de ce denier?  Si l'Évêché pouvait bien m'en prêter un mille immédiatement cela me rendrait bien service; l'argent est si difficile à trouver de ce temps-ci!  De cette façon, j'aurais le temps de chercher le reste ailleurs.  J'espère, Monseigneur, que vous agréerez à mes demandes et vous remercie pour tout ce que vous faites pour moi et mes colons.

    « Avec mes respectueux hommages, veuillez me croire, Monseigneur.

    « Votre obéissant serviteur, Philippe Chénard, prêtre, desservant du Canton Chabot. »

[ Deuxième lettre, adressée à l'Archevêché de Québec, datée du 7 septembre 1922,

à l'intention de monsieur le Chanoine Joseph Vaillancourt ; texte intégral. ]

    « Monsieur le Chanoine, Vu la situation particulièrement précaire de la Mission du Canton Chabot à cause du petit nombre de familles qui n'y résident que depuis quelques années, je vous prie respectueusement de demander à Sa Grandeur Mgr Roy de bien vouloir établir, outre les dîmes et capitations ordinaires, un supplément de foin à la vingt-sixième botte, deux jours d'ouvrage pour fin de colonisation sur le lot de la Mission, avec une somme de 5,00$ par chaque propriétaire d'un lot ou d'une partie de lot, une corde de bois rendue au presbytère.

    « Je crois, monsieur le Chanoine, que les colons pourront accomplir assez facilement ces obligations, et que le desservant, ayant recours, par ailleurs à des industries personnelles, du moins pour les premières années, parviendra à trouver les ressources nécessaires à sa subsistance.

    « Vous remerciant de ce bon service, je suis votre très reconnaissant.

    « Philippe Chénard. »

[ Troisième lettre, adressée à l'Archevêché de Québec, datée du 27 octobre 1922,

à l'intention de Son Éminence le Cardinal Louis-Nazaire Bégin ; texte intégral. ]

    « Éminence, J'accuse réception de votre lettre du vingt-quatre courant, et vous remercie de l'envoi de messes que vous me faites.  Grâce à votre générosité, j'aurai des intentions de messes pour un mois encore.  Ce sont à peu près les seules que je reçoive.

    « Vous me souhaitez courage et me donnez de bons conseils que je tâche de mettre en pratique.  Du courage, il en faut ici, vous ne sauriez le croire! et en plus de la résignation, ça c'est une lourde croix que j'ai à porter.  J'espérais pouvoir rentrer dans mon petit presbytère de vingt pieds carrés cette semaine et c'est impossible avant le cinq de novembre.  Il me faut toujours continuer de loger misérablement dans une famille où je ne peux guère prendre de repos.  La chapelle-école ne sera pas prête avant trois semaines encore, et elle ne sera que logeable; rien de fini là encore.

   « En attendant, je dis la messe dans un petit camp de seize pieds carrés, et je n'ai qu'une petite chaufferette pour le réchauffer.  Les gens n'ont pas de place pour se loger tous à l'intérieur, de sorte que je me vois obligé de dire deux messes le dimanche, d'ici à ce que j'aie la chapelle-école, bien entendu si vous voulez me le permettre.  La grande cause de retard dans tout cela, c'est d'abord, je l'avoue franchement, mon incompétence, et ensuite le manque absolu de préparatifs pour ces constructions, le défaut d'outillage sur place, et le froid, car ici nous avons actuellement un pied de neige.

   « Tout cela ne serait rien encore, si la question financière était meilleure, car toutes les prévisions seront passées de beaucoup, et je vois avec tristesse que nous resterons une dette trop lourde pour les pauvres colons qui n'ont rien à eux.  Avec cela, j'ai beaucoup de difficulté à emprunter; l'argent est si rare partout.  Parfois, je me prends à douter du succès de l'entreprise, mais malgré tout, j'ai espoir que la Providence ne m'abandonnera pas et que vous continuerez de m'accorder votre tendre sollicitude.

    « J'irai probablement à Québec sous peu pour essayer d'avoir encore de l'aide du ministre de la Colonisation et prendre vos conseils, j'en ai grand besoin.

    « Veuillez croire, Éminence, à mon entier dévouement et agréer les hommages respectueux de votre humble serviteur.

    « Philippe Chénard, prêtre. »

[ Quatrième lettre, accompagnée de cinq photographies, adressée à l'Archevêché de Québec,

datée du 30 avril 1923, à l'intention de Son Éminence le Cardinal Louis-Nazaire Bégin ; texte intégral. ]

    « Éminence, Je vous remercie sincèrement de l'aide substantielle que vous m'avez fait envoyer.  Je crois pouvoir me tirer d'affaire cette année, probablement  la plus difficile à passer.  Je ne saurais comment vous montrer ma satisfaction de la lettre que vous avez eu la bonté d'écrire à M. Perrault, je la lui envoie par le même courrier et j'en attends les meilleurs résultats.  S'il accède à ma demande, je crois que la situation sera assurée et que les colons ne manqueront pas.

    « Je vous envoie quelques photographies des édifices les plus remarquables de Saint-Athanase à l'heure actuelle.  Deux vues vous montrent la cuisine de 20 pieds carrés à deux étages qui m'a servie de presbytère cet hiver.  C'est un palais comparé à ce que j'ai eu pour logis du vingt-six juillet au onze novembre.  Il y a deux vues de la primitive église de Saint-Athanase, seize pieds par dix-huit avec un étage de sept pieds de haut.  À mon arrivée, il y avait tout un après de campement d'hiver.  J'ai fait maison nette avec l'aide de deux jeunes gens, nous avons nettoyé, réparé le plancher de bois rond et installé un autel de bois brut et le lendemain nous célébrions la fête de Sainte Anne avec une assistance d'une quinzaine de personnes dont plusieurs étaient venues à travers bois, faute de chemin.

    « Le Bon Dieu se contentait encore d'une seconde étable de Bethléem.  Enfin, la dernière vue vous représente la chapelle-école de soixante-deux pieds par quarante-deux.  Le tiers a servi cet hiver d'école et de résidence pour l'institutrice; le reste pour la chapelle.  Nous y avons été confortablement installés depuis le vingt-six de novembre.  Près du perron à gauche, il y a là une caisse, c'est la boîte de l'harmonium, cadeau d'un de mes confrères de collège.  Cet été nous nous proposons d'installer une fournaise à air chaud, de monter la classe à l'étage supérieur et dans l'autre moitié de faire une salle.  Nous finirons l'intérieur plus tard.

    « Éminence, votre belle lettre au ministre m'a encouragé tellement que e prendrai tous les moyens pour arriver au succès.

    « Veuillez agréer, Éminence, les sentiments de respect et de reconnaissance de votre tout dévoué.

    « Philippe Chénard, prêtre. »

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